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Dans les décombres d’Électricité du Liban : visite guidée d’un quotidien sous tension

Philippe HAGE BOUTROS et Julien RICOUR-BRASSEUR- Sourire en coin, il commence son récit ainsi : « Un jour, la police m’a convoqué. » À ses côtés, son collègue pouffe déjà au souvenir de cette anecdote ubuesque. « Je me suis retrouvé au commissariat, pris de haut par un jeunot sans diplôme, mais en uniforme », poursuit Hani*, ingénieur à la station de relais électrique de Jamhour (Mont-Liban). Le masque sanitaire, qui lui couvre une bonne partie du visage, ne parvient pas à cacher les poches sous ses yeux. Ménageant sa chute, il finit par lâcher : « Quelqu’un avait porté plainte contre moi car il n’avait pas assez d’électricité chez lui ! » Éclat de rire général.Dans un Liban en crise depuis plus de deux ans, tourner le tragique en dérision est plus que jamais un moyen de survie. Une crise nationale qui se traduit notamment par un rationnement terrible de l’électricité, le fournisseur public Électricité du Liban (EDL) n’en livrant plus que deux à trois heures par jour. Reprenant quelque peu son sérieux, l’ingénieur agite son téléphone portable avant d’ouvrir sa messagerie. « On se fait insulter à longueur de journée », dit-il en déroulant les dizaines de messages de quidams qui réclament du courant en des termes crus. Citoyens à bout, autorités je-m’en-foutistes, « tout le monde nous crache dessus », s’emporte-t- l. Puis, dans un mélange d’indignation et de consternation, il résume la situation : « On nous met tout sur le dos mais personne ne nous donne les moyens de produire du courant. Et sans nous, il n’y aurait pas une seconde d’électricité publique dans ce pays ! »
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